Tout le monde connaît cette chaise longue, la LC4 ou chaise longue Le Corbusier
mais peu de gens savent qu'elle est le fruit de la collaboration de trois architectes designers, Le Corbusier, Pierre Jeanneret, Charlotte Perriand. Cette "chaise à basculant" est éditée en 1930 par Thonet sous le nom de ses créateurs, dans un ordre alphabétique imposé par Le Corbusier.
Après des études d'Arts Décoratifs, Charlotte Perriand (1903-1999) réalise son rêve en 1927. Elle intègre l'atelier de Le Corbusier, le maître incontesté de l'architecture française à cette époque. Pendant 10ans, Charlotte Perriand sera associée à Le Corbusier et Pierre Jeanneret ( le cousin de ce dernier) pour l'équipement de l'habitation et le mobilier. Dès lors l'architecture d'intérieur est révolutionnée, des matériaux inusités jusque là, tout comme la façon de les employer. Cuisine-salon -salle à manger, chambre-salle de bains, une approche radicalement nouvelle de la maison qui n'a pas un grand succès auprès du public...
Mais elle ne se contente pas d'architecture intérieure, elle se dit avant tout architecte et elle s'investit dans de nombreux projets bâtiments préfabriqués pour les loisirs (c'est une sportive, éprise de la nature),
elle conçoit des logements sociaux et présente une "pièce d'habitation bon marché": ancienne HLM (elle déploie ses talents au service du changement social et manifeste ainsi ses convictions politiques pour lutter contre"le surpeuplement et la misère du logement" suite à la crise de 1929).
En 1940, elle est invitée au Japon comme conseillère dessinatrice Art Décoratif auprès du ministère du Commerce. Elle a 37ans et n'hésite pas, son avenir en France est sinistre à l'image du pays en guerre.
Elle part telle une ambassadrice, chargée par les uns et les autres de transmettre la culture française dans ce pays si lointain et peu connu des Français. Commence alors pour elle une grande aventure intellectuelle et créative. Sa mission de conseillère en faveur du développement de l'art industriel japonais l'amenant à visiter dans tout le pays usines, écoles, laboratoires, instituts, elle tombe littéralement amoureuse du Japon.
Elle découvre avec émerveillement l'architecture japonaise, les matériaux traditionnels et un savoir-faire ancestral dont les principes de pureté et de simplicité rejoignent les recherches modernes européennes.
Elle est éblouie par l'architecture de la maison japonaise. Que faut-il y rajouter pour vivre à l'européenne? Des sièges et des tables, bien sûr. De nombreux objets vont l'inspirer, objets qu'elle dessine ou photographie de main de maître.
C'est la vue d'une pince à sucre en bambou qui lui donne l'idée de transposer la chaise longue en acier en utilisant la flexibilité du bambou.
Mais elle est tellement effarée par les objets destinés à l'exportation, les artisans font des objets d'après photo sans en connaître la fonction et les dimensions, cela donne un coquetier trop grand pour un oeuf de poule et trop petit pour un oeuf d'autruche...Les japonais ne mangent pas d'oeufs à la coque...
De même elle rencontre des artisans qui mettent leur remarquable talent au service d'objets inutiles et laids destinés à séduire une clientèle étrangère. Face à la forte occidentalisation du pays, imposée par le pouvoir et l'économie, elle parvient à leur faire comprendre que les matériaux traditionnels bambou, bois tissage, laque ne doivent pas être mis de côté.
"Ne pas copier l'Occident. Partir de la tradition vers l'avenir...inventez en gardant votre sensibilité japonaise" ne cesse-t-elle de répéter au cours de ses nombreuses conférences. "...construire avec une pensée nouvelle et des matériaux nouveaux." Et surtout, "Ne pas séparer les quatre arts peinture-sculpure-architecture-ameublement. Ça c'est l'Art!" Elle en fait la brillante démonstration.
Elle sait combiner son savoir faire aux matériaux locaux. Ainsi s'inspire-t-elle du mino, cape de pluie en paille de riz des paysans pour faire tresser les placets en paille de la "Chaise longue bambou", elle change l'usage des tissus traditionnels utilisés pour les vêtements pour en faire des tissus d'ameublements, mais garde certains objets de la vie quotidienne sans les modifier poteries, couteaux, papier, objets usuels simples, intelligents et peu coûteux.
En 1941, Charlotte organise l'exposition "Tradition, Sélection, Création"à Tokyo et à Osaka. C'est le début du long parcours de celle que sa fille qualifie d'"architecte-designer-photographe-urbaniste", Charlotte Perriand est née en 1903 et est décédée en 1999.
Certes elle s'est nourrit des traditions ancestrales japonaises mais son travail a fortement influencé le design japonais.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire