jeudi 6 octobre 2011

Sur la route du Tôkaidô




                  Cet été, j'ai suivi les traces de millions de voyageurs sur la route du Tôkaidô. J'ai donc fait quelques pas sur la plus fameuse route du Japon de l'époque d'Edo. Les 500 km de la route qui reliait Edo (Tokyo), la ville du Shogun (chef militaire suprême) à Kyoto, où résidait l'Empereur, ont vu un va-et-vient incessant de pèlerins (tout le Japon convergeait sur le Grand Sanctuaire d'Ise pour y recevoir la grande faveur divine), d'hommes d'armes, d'estafettes galopantes, de gens de maison, les gouverneurs des provinces ou daymyô ayant pour obligation d'entretenir une résidence à Edo et d'y séjourner un an sur deux, étaient sans cesse en déplacement avec leur suite.  Paysans, citadins, bourgeois des villes, marchands, hommes de peines, femmes et enfants même, à pied, à cheval, à dos d'âne, en litière étaient sur les routes à une époque (dès la fin du16ème siècle!) où les voyages nous paraissent chargés d'incommodités presque insurmontables. Or ces routes pullulaient de monde car la sécurité était assurée sur tout le parcours, des barrières militairement gardées,  cinquante-trois postes-relais officiels y sont installés, des auberges accueillent les voyageurs. Dès lors on voit paraître de nombreux guides pratiques pour les voyageurs, récits de voyages et séries de gravures représentant le Tôkaidô.
Les cinquante-trois Stations de la Route du Tôkaidô en est certainement la plus célèbre. Cette série d'estampes (ukiyo-e) a été composée par Hiroshige en 1832 après qu'il eût entrepris de refaire les chemins qu'il avait parcourus avec les cortèges officiels dans son enfance, on s'émerveille devant chaque tableau de son amour de la nature, de son sens du détail et du pittoresque.




                                 
Quant aux récits de voyage, celui qui a le plus retenu mon attention est celui de Jippensha Ikku "A pied sur le Tôkaidô", grand classique japonais paru en 1802. Ce roman picaresque est un petit bijou car les deux héros de Jippensha Ikku nous emmènent dans des aventures burlesques, agrémentées de tanka comiques et poèmes satiriques et illustrées en leurs temps par de grands artistes. Il est à noter que la traduction colle de près au texte original et les nombreuses notes nous sont précieuses.




                                                                                 
En 1965, quand Nicolas Bouvier fait à pied cette même route, il traverse la campagne : "Je descends de Tokyo à Kyoto, à petite allure, suivant à pied le tracé de l'ancienne route impériale qui reliait les deux capitales et passe aujourd'hui par les champs". Avec Hiroshige pour guide.


                                                        
L'an dernier un petit robot a également fait cette route, "à pied"!!?? En effet, afin de prouver l'endurance de ses batteries, le robot mascotte Evolta de Panasonic a effectué ce périple en 49 jours, son design le faisant ressembler à un ancien marchand tirant une charrette.

                                                    
Aussi, lorsque lors de notre dernier séjour à Tokyo j'ai tenu à voir le point de départ de cette route (le pont de Nihombashi) et la première station relais Shinagawa-syuku, imaginez ma déception...  Aujourd'hui à Tokyo, tout est noyé dans le béton, quelques jolis panneaux et étendards m'ont rassurée, oui c'était bien là... 



                                             





    
Quelques tronçons de route pavée subsistent encore dans la campagne...                                      
                                          

Heureusement, grâce à ceux qui ont fait "galoper leur pinceau sur cette chaussée pour lui donner quelque réputation", je continue à y voir samouraïs, vagabonds, moines errants, aubergistes, "empileuses de riz"(joli nom pour les prostituées)...

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